Chroniques - mai 2014


Adam, où es-tu ? (cf. Gn 3,9).Où es-tu homme ? Où es-tu passé ? En ce lieu mémorial de la Shoah, nous entendons résonner cette question de Dieu : « Adam, où es-tu ? ». En cette question, il y a toute la douleur du Père qui a perdu son Fils…Maintenant, Seigneur, sauve-nous par ta miséricorde… ».

(Discours du pape François à Yad Vashem).


Ce mois de Mai, mois de Marie par excellence, aura été marqué par la mort de frère Germain, le 13 mai, jour de la fête de Notre Dame de Fatima. Comme le rappelait dom Paul dans son homélie (que vous trouverez en partie au verso de cette page), frère Germain avait un amour privilégié pour celle qu’il appelait sa maman du ciel, lui qui avait perdu sa maman de la terre dans sa toute jeune enfance ! Un échange en communauté le dimanche soir 18 a permis de prendre conscience de la place qu’avait tenu frère Germain dans la vie de notre communauté surtout lorsqu’il était responsable de la ferme. Venu au monastère avec son frère Gustave, ils mirent leur compétence et leur dévouement au service de la communauté et surtout de la ferme ce qui valut à frère Germain de recevoir la médaille du mérite agricole ! Au terme d’une longue vie, il devint pour nous un bon frère qui attendait la meilleure récompense du serviteur fidèle, rejoignant son frère Gustave parti 20 ans avant lui. Nous sommes plein de gratitude envers le Seigneur de nous avoir ainsi envoyé deux frères solides et dévoués, de la race de ces paysans normands ardents au travail et proches de leurs frères.

Quelques sorties :

frère Gérard, en charge de l’hôtellerie, est allé à Montligeon puis à Lisieux pour vivre une quinzaine de prière et de méditation, en particulier auprès de la petite Thérèse qu’il affectionne particulièrement. et frère Jean-Luc a passé quelques jours aussi à Lisieux où l’une de ses sœurs est au Carmel de Thérèse.

dom Paul, en tant que membre de la conférence régionale de la Récif, a rejoint en voiture l’abbaye de Sénanque avec dom Joseph de Port du Salut et dom Benoît de Timadeuc. Cette rencontre, dans un cadre cistercien impressionnant de beauté et de simplicité, leur a permis de préparer ensemble le futur Chapitre Général qui aura encore lieu à Assise au mois de septembre

frère Ortaire, l’homme de la clôture, est pourtant sorti mais pour un petit séjour ….à l’hôpital de Cherbourg alors que frère Germain s’y trouvait aussi avant d’y mourir. Frère Ortaire devra être surveillé au niveau de son cœur avant de subir une opération. Pour le moment, il réside à l’infirmerie et se repose.

père Charles est allé au monastère de la Merci-Dieu pour exprimer notre communion fraternelle à l’occasion de la Pâque de sœur Isabelle, la plus ancienne sœur de la communauté qui a rejoint son Seigneur à plus de 90 ans, après de longues années de souffrances !

            Ces différentes sorties nous préparaient sans doute à une plus longue absence : celle de père Eric, notre prieur. Depuis quelque temps, nous savions qu’il portait une lourde charge avec une fatigue qu’il n’arrivait pas à éliminer. Il a donc paru plus sage qu’il prenne un long temps de repos qui le mènera normalement au monastère de Latroun en Israël où dom René, le père abbé venu de l’abbaye de Timadeuc comme dom Paul, se fera une grande joie de l’accueillir. Auparavant il se sera reposé en France. Nous le gardons dans notre prière et notre affection.

            Père Bernard de l’abbaye de la Trappe est venu pour aider à bien gérer la comptabilité en l’absence de père Eric ce qui se fera avec le CER. Nous voyons ainsi se mettre en place une belle solidarité entre les communautés monastiques, ce qui est l’un des fruits les plus beaux de la Charte de charité. Nous vivons cela aussi en grande communion avec notre père-immédiat, dom Gérard, abbé de Melleray, venu plusieurs fois pour nous aider à bien gérer cette absence de père Eric.

Nous avons accueilli le père Pierre qui est un prêtre vietnamien depuis de longues années en France et qui est curé dans la région parisienne. Nous l’avons sollicité pour aider nos deux jeunes frères vietnamiens, frère Pierre et frère Simon-Marie car père Dominique qui les avait suivis depuis quelques années est retourné au Vietnam pour devenir professeur dans un grand séminaire.

Est-ce pour cela que nos deux jeunes frères s’activent avec ardeur au jardin pour qu’il produise, en temps voulu, légumes variés, fleurs ? De plus, avec l’absence de père Eric, ils mettent leur compétence au service de la communauté dans divers secteurs : sacristie, buanderie etc.

            Samedi 31 mai : en communion avec sœur Claire qui fait profession perpétuelle au Mont Saint Michel, nous vivons notre 3e journée des « samedi de la Trappe de Bricquebec » consacrée au thème de la réconciliation et de la paix à la lumière de la grande figure de l’abbé Franz Stock. Très belle journée animée par Mr Jean-Pierre Guérend qui a écrit le petit livre « Prier 15 jours avec l’abbé Franz Stock, apôtre de la réconciliation ». Ce prêtre, mort à 44 ans, fut l’âme du fameux séminaire des barbelés à Chartres.

Cette journée nous a préparés à vivre en communion avec le département et le diocèse le souvenir du débarquement et de la libération. En souvenir de ce 6 juin historique, toutes les cloches sonneront à 9h !

« Joie du souvenir de la libération qui invite aujourd’hui à faire œuvre de paix et de réconciliation. Joie de travailler à l’amitié entre les peuples ». (Mgr Laurent le Boulc’h, évêque de Coutances et Avranches).

HOMELIE POUR FRERE GERMAIN     PAR DOM PAUL

                Alors que frère Germain pouvait encore s’exprimer, quelques jours avant sa mort, j’ai été le voir à l’hôpital de Cherbourg et, avant de le quitter, je lui ai posé une question pleine de confiance : « que désires-tu? » et il me répondit en me regardant de ses yeux si bleus et si purs : « mourir ! mourir ! ». Cette parole, je le sentais bien, était pleine de douceur mais aussi d’une certaine souffrance. En fait, frère Germain savait que le moment était venu de partir, et il me semblait que j’avais devant moi un homme parvenu au terme d’un long combat, un combat qu’il menait depuis de longues années. Le temps lui semblait venu pour lui de partir. Mais partir où ? partir vers qui ?

                Partir ! Oui, notre vie sur terre est une préparation à l’ultime départ et il nous est absolument impossible de vivre sans nous poser la grave question de ce départ ultime. Durant sa longue vie, frère Germain a vécu quelques moments importants de ce « partir ». Se sentant appelé à devenir prêtre, il entra au grand séminaire de Coutances, mais un mal de tête persistant l’obligea à quitter cette voie. Il revint alors à la ferme. Comment ne pas évoquer ce 20 octobre 1957 où il arrivait à La Trappe de Bricquebec avec son frère Gustave ? Quel cadeau pour le monastère de recevoir ces deux hommes en pleine force : frère Gustave avait 37 ans, frère Germain en avait 33 ! Ils vécurent 29 ans ensemble au monastère.

J’ai aimé entendre frère Germain nous raconter l’ultime combat auquel ils furent affrontés la veille même de leur entrée. Les deux frères prenaient leur dernier repas lorsque quelqu’un frappa à la porte et le voisin qui venait d’entrer s’adressant aux deux frères leur dit : « vous savez, j’ai deux filles à marier ! ». La réponse fut simple mais sans appel : « demain, nous entrons à La Trappe de Bricquebec ». Pour eux, le choix était fait comme réponse à l’appel de Dieu le Père, réponse à l’invitation de Jésus à le suivre dans l’amour, réponse à l’Esprit Saint qui, au fond de leur cœur d’homme, leur inspirait ce qu’ils découvriront dans la Règle de saint Benoît : « ne préférer absolument rien à l’amour du Christ ». Les voilà donc arrivés à l’abbaye où ils vont mener la vie monastique faite de prière, de lectio divina, et de travail manuel. Tous les deux furent en effet des travailleurs acharnés, efficaces et sans doute exigeants !

Le 25 août 1963, ils feront profession solennelle comme frères convers en compagnie de père Daniel qui était choriste. Le père abbé, dom Marie-Joseph leur donnait comme consigne : « vie monastique comme perfection de la vie chrétienne, obéissance et amour, prendre Dieu au sérieux ». Cette dernière consigne est le secret de la vie de frère Germain : il a pris Dieu au sérieux. C'est-à-dire que Dieu a toujours eu la première place dans sa vie si bien que lorsqu’il reçut le grade de Chevalier de l’Ordre du mérite agricole avec père Pierre le 17 septembre 1994, il en éprouva certes une certaine fierté, mais il savait bien que la vraie médaille l’attendait au ciel lorsque Jésus lui offrirait gratuitement le bonheur à jamais…..

                …..L’ultime secret de frère Germain qui est celui de tout disciple de Jésus, le secret de chacun de nous, ce secret nous a été révélé par Jésus lui-même lorsqu’il nous a dit cette parole que nous n’aurons jamais fini de découvrir, de creuser, d’approfondir : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».Frère Germain pouvait me dire qu’il voulait mourir parce qu’il croyait que sa vie n’était pas une impasse, mais qu’il savait que Jésus avait dit : « je suis le Chemin ». Tout homme cherche le chemin capable de le conduire vers la vie, vers le bonheur, vers la joie. Or nous croyons que Jésus, par sa mort et sa résurrection, a ouvert un chemin qui nous mène dans les bras du Père. Bien plus, Jésus a ajouté qu’il est la Vérité et donc qu’il est le vrai chemin. Nous pourrions suivre beaucoup de chemins surtout aujourd’hui avec tous les mass médias qui nous présentent sans cesse de nouveaux chemins vers de prétendus paradis terrestres. Nous sommes sur le bon chemin, sur le vrai chemin qui est le Christ et qui nous donne la Vie, mais pas n’importe quelle vie ! Pourquoi avoir peur d’affirmer que nous sommes faits pour la vie éternelle ? Saint Pacôme célébré aujourd’hui avait soif de cette vie.

                Frère Germain est mort le jour même où l’Eglise célébrait Notre Dame de Fatima. C’est une belle délicatesse de la Vierge Marie, celle qu’il considérait comme sa vraie maman lui qui avait perdu la sienne tout jeune. Alors il désirait mourir pour aller voir cette maman du ciel disant en toute simplicité : « je vais retrouver celle que j’aime tant »  Il savait bien qu’elle le conduirait à Jésus, le Vivant.

Abbaye Notre Dame de Grâce –

Vos frères de Bricquebec


bricquebec_titre