Chroniques - aout 2015


« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous,

que vous avez reçu de Dieu,

et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes?

Car vous avez été rachetés à un grand prix.

Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit,

qui appartiennent à Dieu »

 

1Co 6, 19-20


 

Ce mois d’août aurait dû être un mois de joie culminant avec la solennité de l’assomption de la Vierge Marie. En effet, le 05 août, frères Pierre et Simon-Marie gagnent la capitale. Ils partent accueillir à l'aéroport, Mickaël et Joseph deux nouveaux candidats à la vie monastique. Ils reviendront à l'abbaye le 08 août après avoir permis à nos deux jeunes vietnamiens de faire connaissance avec Paris. Puis, le 11 aout, fête de Ste Claire marque l’entrée de Mickaël et de Joseph en communauté lors de l'eucharistie. Quelques heures plus tard, notre quotidien prenant un aspect inattendu avec l’accident de voiture de Dom Paul puis son départ vers le Père. Supérieur de notre communauté depuis 4 ans, nous pouvons laisser à Dom Benoît, le père abbé de Timadeuc, le soin de le présenter :

          « Père Paul est né à Saint Gravé dans le Morbihan le 29 juin 1936. Il est donc un vrai fils du diocèse de Vannes. Troisième d’une fratrie de huit enfants, il vécut dans une famille unie. Il aimait à faire remarquer au sujet de son année de naissance qu’elle coïncidait au moment où apparurent en France les congés payés le 20 juin précédent.

          Vers l’âge de 14 ans, il désirait devenir footballeur, mais un gros problème de santé qui faillit lui coûter la vie mit fin à ses rêves de jeune homme. Doté d’un tempérament vif, d’une belle humanité et de beaucoup d’humour aussi, Père Paul fit ses études secondaires chez les frères de Ploërmel et obtint le Brevet élémentaire, pas facile à décrocher à l’époque, qui lui permit d’enseigner comme instituteur dans des écoles primaires privées, à Porcaro d’abord, puis à Locmiquélic en face de Lorient de l’autre côté de la rade. Il en garda un très bon souvenir et sans doute cette facilité et ce goût pour la pédagogie, la transmission et l’écriture. C’est aussi à cette époque qu’il fit ses premiers voyages bien au-delà de la Bretagne, entre autres, un pèlerinage à Jérusalem organisé par un prêtre du diocèse de Vannes.

          Lors d’une retraite, l’appel de Dieu à devenir prêtre résonna dans son cœur. Dans un premier temps, il entra au séminaire des Missions Africaines de Lyon à Montmagny d’abord puis à Chamalières. Mais lors d’une autre retraite spirituelle, il décida de passer à la Trappe. Il entra à Timadeuc le 24 mars 1960, un mercredi des cendres, et l’une des toutes premières paroles qu’il entendit de son père abbé fut au cours de la liturgie : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ! » Ses débuts dans la vie monastique commençaient plutôt bien, vous en conviendrez !

          Le 27 mai 1965, il prononçait ses vœux solennels et deux ans plus tard, le 25 juin 1967 il était ordonné prêtre à Timadeuc. Durant ses années de formation initiale, il se passionna pour le Concile Vatican II et en restera un ardent défenseur sa vie durant.

          En 1967, il est envoyé à Rome faire des études de liturgie. Celle-ci fut la source permanente de sa vie de prière. Il composera plusieurs hymnes que nous chantons, travaillera de nombreuses années à la CFC, sera un temps responsable du bulletin « Liturgie ». Un événement dramatique le marquera beaucoup à cette époque ainsi que toute sa famille : la mort tragique de sa maman dans un accident de voiture, en juillet 1968.

          Dans les années 70, le renouveau charismatique entra dans notre communauté avec la visite du père Régimbal, prêtre canadien. Avec un bon nombre de frères, père Paul reçut l’effusion de l’Esprit Saint. Cela transforma profondément sa vie spirituelle et son livre « La brisure du cœur » est le fruit de cette expérience.

          Au monastère, il exerça, entre autres, la charge de sous-prieur en 1971, puis celle de prieur sous l’abbatiat de père Claude en 1975. Il la cumula à partir de 1981 avec celle de maître des novices et conservera ces deux responsabilités jusqu’à son élection abbatiale le 10 août 1993. Par ailleurs, il travailla au poulailler, au fruitier puis à la fromagerie pendant de nombreuses années. En tant qu’abbé, il mit son toute son industrie à faire de Timadeuc, « une communauté évangélique au désert. » Vaste programme, toujours d’actualité, dont on se demande si on parviendra un jour au bout ! Il devint père immédiat de nos soeurs de la Joie, puis de leur fondation d’Ampibanjinana à Madagascar et nous savons à quel point il aimait ces deux communautés. A son initiative la fraternité cistercienne de Timadeuc vit le jour et tous ses membres sont présents aujourd’hui. Toute sa vie, Père Paul fut un moine passionné par le Seigneur, par l’actualité de l’Eglise et du monde ! Comme tout un chacun, il eut à traverser pas mal d’épreuves et, du fait de son caractère entier et de ses fragilités dont il avait conscience, en fit subir aussi quelques-unes aux uns ou aux autres. Une chose est sûre : il aimait sa communauté et sa communauté, puis celle de Bricquebec, l’aimèrent aussi. Son ministère s’étendit bien au-delà de Timadeuc à travers des retraites prêchées, des sessions données, l’accompagnement de nombreuses personnes et de plusieurs communautés, sa présence à la Recif où il était très apprécié, son engagement dans le diocèse de Vannes, et ailleurs… Durant son abbatiat, lui qui avait gardé une fibre missionnaire très vivante, eut l’occasion de renouer avec son attrait pour le continent africain. Au service de l’Ordre, il devint pendant quelques années, père immédiat délégué de l’abbaye des Mokoto ainsi que du monastère de la Clarté-Dieu et de Kasanza au Congo.

          En 2011, parvenu à l’âge de 75 ans, alors qu’il aurait pu légitimement aspirer à un repos mérité, à quelques congés payés, il accepta de rester en tenue de service et devint supérieur ad nutum de Bricquebec. Depuis 4 ans, il se donnait à fond pour cette communauté qu’il aimait bien tout en aspirant aussi à revenir au bercail de son monastère de profession. Lors de sa dernière venue à Timadeuc en juillet dernier, il nous avait dit : « Ma place est vraiment ici, à Timadeuc ! » Père Paul devait se rendre au Japon en septembre prochain pour y effectuer 4 visites régulières. Cela ne l’enthousiasmait pas mais il s’apprêtait à les faire malgré la fatigue qu’il éprouvait depuis pas mal de temps. Peut-être le Seigneur a-t-il jugé que cela n’était plus de son âge ! Le 11 août dernier, suite à un malaise, sa voiture entrait dans le mur de l’hôtellerie des familles de Bricquebec. De cet accident, il aurait pu se remettre. Son moral était bon. Il disait à sa sœur Marie-Agnès : « Tu sais, pas un instant je n’ai pensé à la mort ! » Pourtant son heure approchait. Son départ vers le Père s’est effectué en deux temps. Il eut un premier rendez-vous avec l’éternité le soir du 15 août en la fête de l’Assomption de la bienheureuse Vierge Marie, suite à une fausse route. Là son cœur s’arrêta une première fois. Cette rencontre inattendue avec Marie qui tenait une si grande place dans sa vie aurait pu être la bonne. Mais ranimé in extremis, c’est en la fête de saint Augustin que son cœur cessa de battre ici-bas. Ce dernier rendez-vous prend toute sa signification à l’écoute des paroles de saint Augustin : « Tu nous as faits pour Toi seigneur et notre cœur est sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Toi. » L’une de ces nièces a dit au sujet de son départ : « C’est bien triste. Mais sa mort paisible qui l’enverra vers le Dieu à qui il a toujours consacré sa vie apporte un réconfort. Je me dis qu’il doit aller vers un moment, une rencontre à laquelle il a pensé toute sa vie. » C’est certain.

Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné Père Paul et nous le confions à son infinie miséricorde. »

Vos frères de Bricquebec


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